med face au néant de la mort et du tombeau vide

Vendredi-Saint et Pâques :

face au néant de la mort
et du tombeau vide,

la foi construit une espérance en la victoire d’une vie fraternelle.


Je commencerais cette réflexion par une question assez absurde en soi : doit-on croire à la mort ? On pourrait répondre sans doute : « si tu n’y crois pas, un jour ou l’autre elle te rappellera douloureusement son existence ». Mais est-ce pour autant la seule chose à dire à son sujet ? La foi chrétienne n’a-t-elle pas développé une réflexion à son encontre, réflexion qui s’est par la suite traduite dans une religion ? Nous voulons y réfléchir en parlant de Pâques, des premiers disciples, et de ce que la religion chrétienne a fait de leur foi aux paroles de Jésus.

Nous sommes donc en cette période, au temps de Pâques ; au temps de cette fête si fondamental pour le christianisme ; peut-être même la fête la plus fondamentale du christianisme.

Cette fête a un temps de préparation que l’on appelle le carême, que l’on peut préférer, au sein du protestantisme, appelé parfois temps de la passion. Un temps durant lequel, le dimanche matin, dans les Églises sont lus des textes d’évangile qui relaient des paroles qui montrent l’humanité de Jésus, par exemple son attention aux autres, sa persévérance devant qui voudrait le voir renoncer à ses discours vu comme trop révolutionnaires…

Pâques a comme entrée la semaine sainte durant laquelle se vivent différents offices religieux suivant les habitudes des Églises locales. Par exemple l’office religieux du Jeudi-saint, parfois encore célébré dans certaines communautés, office durant lequel nous nous souviendrons de l’institution « du repas du Saigneur » (eucharistie ou Sainte-Cène), cette table partagée entre Jésus et ses proches durant laquelle il instaure un geste symbolique comme signe d’unité avec lui.

C’est aussi, l’office du Vendredi saint qui, quant à lui, est plus souvent organisé dans les paroisses locales. Office durant lequel on se souvient de la mort tragique de Jésus. Une mort, comme on le répète souvent, infamante, et qui en tout cas n’a rien d’une mort glorieuse. Tous ces événements évoqués lors de ces offices religieux rappellent la fin de la vie de Jésus de Nazareth. Elle place celui qui les vit ou y réfléchit simplement, devant la mort : celle de Jésus, mais aussi la sienne et la mort en soi. C’est ce que j’appellerais le côté non pas sombre, et encore moins obscur de la fête, mais le côté sobre de la fête de Pâques : le souvenir d’une histoire tragique, relue pour nous faire réfléchir au sens de notre existence propre.

Celle-ci a-t-elle un sens ? Débouche-t-elle simplement sur le néant ? La mort n’est-elle que néant absurde ? Est-elle dépassable ? Toutes des questions que nous nous posons en notre humanité.

Mais cette sobriété est suivie par le jour de joie qu’est le jour de Pâques, ce jour qui se veut construit autour d’une proclamation de résurrection.

Mais comment est venue cette proclamation ?

A bien y regarder dans le texte biblique c’est d’abord une découverte d’un vide : le tombeau est vide. Cette découverte quelques-uns la font : la tombe dans laquelle on avait placé Jésus est vide ! C’est ce que nous relatent les évangiles en tout cas.

Aujourd’hui, nous somme en droit, et même peut-être en devoir, de nous demander : est-ce un vide réel ou imagé ? Est-ce un vide matériel ou de sens ? Nous avons la liberté d’y penser. Certains auront besoin de concret, d’autres auront plutôt besoin d’une réflexion philosophique pour adhérer à cette proclamation de résurrection. Mais chacun reconnaîtra que cette proclamation faite en Église, qu’elle est au cœur aussi de la religion chrétienne.

Mais on n’oubliera pas que, Pâques, sa préparation, les offices religieux sobres qui l’entoure et le jour joyeux ont pour but de placer celui qui y participent, devant la mort et le vide et poser la question de leurs dépassements.

Posons-nous quand même la question : comment est venue cette proclamation ?

Je ne sais si on peut appliquer le dicton : la nature a horreur du vide, auquel nous pourrions ajouter: la vie à horreur de la mort…en tout cas on va, tout au début du christianisme, parmi les proches de Jésus développer une pensée qui voit en Jésus une façon de dépasser la mort.

C’est parmi les disciples de Jésus que naît cette pensée.

Comment ?

Ils l’ont suivi tous les jours, ils l’ont vu à l’œuvre et entendu parler : ils l’ont vu accueillir et discuter avec tout le monde sans exception : du riche au pauvre, du bien pensant au marginal, on peut même croire qu’il avait une préférence d’aller vers ceux qui étaient en difficulté de vie. Ses disciples l’ont entendu avoir une parole juste et vraie, osant par exemple reprendre les puissants quand ils abusaient de leur autorité. Ils l’ont vu proposer plus de fraternité dans les relations humaines, davantage de respects, plus de pardon… Ils l’ont entendu et ont espéré avec lui en un monde plus beau. Ils ont vu Jésus aussi pratiquer sa religion : c’est-à-dire la manière dont il vivait sa relation au divin …

Parmi ses premiers disciples, mais aussi chez beaucoup qui l’ont connu, surgit face à sa mort, face au tombeau vidé, surgit un mouvement de foi (c’est-à-dire ici : un mouvement de confiance, un mouvement d’adhésion à une idée) : une foi qui pense que les paroles de Jésus ne débouchent pas sur rien, qu’elles ne débouchent pas sur l’absurde et le néant, que ses paroles continuent à être vraies, qu’il vaut la peine de s’y rattacher et de continuer a les mettre en œuvre, à les vivre, à les appliquer dans le quotidien… les paroles de Jésus sont et seront ainsi vivantes… cette foi va alors encore plus loin dans sa proclamation: elle voit Jésus encore à l’œuvre, il parle encore à ses disciples, il est encore présent par ses paroles, lui-même, dit-on aussi, est vivant encore… cette manière de parler conduit alors à la naissance d’une foi en une victoire de la vie sur la mort.

De cette foi, les chrétiens d’aujourd’hui, en sont héritiers : elle est porteuse de leur confiance en une place du divin dans le monde au travers des paroles de Jésus. Jésus a montré combien la vie pouvait être belle : liberté par rapport à toute forme d’aliénation, liberté dans les rapports humains, égalité de chacun, il a montré que de possibles fraternités sont à construire…

Mais ne serait-il pas erroné de croire que seuls les chrétiens ont cette foi en la victoire de la vie sur la mort ? Bien d’autres qu’eux n’ont-ils pas aussi une la même pensée et essaient de construire une vie plus belle pour tous ?

En tout cas la foi en un Jésus vivant : (dans le sens de : ses paroles sont porteuses de vie), est un puissant moteur dans l’existence. Cette foi permet de se référer à Jésus, qui par sa vie, son œuvre et plus encore par ses discours, ont permis de construire une espérance en un monde plus beau et plus humain.

Cette foi peut se vivre en Église dans des pratiques religieuses dont on aura soin de ne pas oublier les raisons d’être et leur signification profonde : celles de répondre à des questions essentielles de l’être humain.

La foi vécue permet aussi alors de mettre tout en perspective : la vie est appelée à être toujours plus belle pour tous.

TM